Je reviens d'une ballade sur la
mer salée.
J'ai louvoyé, je me suis glissé sur ses flancs comme l'amant caresse les côtes
de son Eve.
Je l'ai observé, épié, j'ai senti, respiré, humer ses odeurs d'embrun, celle de
son étreinte avec le ciel, bleu, beaucoup de bleu, de l'encre tache les cieux,
foncés comme un désespoir, battu par du rouge, de l'orange des coups de
tonnerre des forges divines... Les éclairs soulignent l'espace comme son
importance...
J'étais donc là, sur cette digue, cette promenade, ce chemin de dalles, de
sueur et de force, je marchais sur le travail des hommes, monument enserré dans
les bras de mer... Seul, vide, j'évoluais sur son œuvre nue et désolée, nul
autre ambassadeur de ma race n'existait pour cet instant sans passé, sans
futur, désespérément présent...
Seul avec moi-même, avec l'océan, ce conglomérat d'hydrogène et d'oxygène, de
vie et de danger, de beauté et de cruauté.
Un navire flottait sur l'étendue, calme, dérivant sur son destin...Que doivent
penser ses matelots loin de leurs familles ? Sont-ils chagrinés de quitter
encore Ithaque ? Sont-ils l'amant des flots ? ...Ce chant bleu de sirène qui
captura tant de fou, qui transborda tant d'auteurs en marins, tant d'écrivains
et navigateurs.
Cette feuille d'encre de mer, gravé de l'écume, cette mer d'ombres de chine,
coulant des plumes de mouette, Poètes des cieux, Icares de la nature, volant au
rire cruel, charriant les humains aux milles racines.
Et je suis là, maintenant, à écrire, écrire et lire et relire ce que je saigne
sur ce papier, à étaler mes larmes de sel sur ce bout de papier, puis, je
relirai encore jusqu'à toucher l'instant d'infini où s'écoulent déjà en
torrents, mes pensées prêtent à se jeter corps et biens dans l'abîme bleuté.
Mais je stoppe, je divague.
Je flux, je suis, je reflux et je resterai, amoureux transi du froid glacial
des profondeurs abyssales...
Mais l'on achète mon sommeil, le marchand de plage passe, vendu à la marine
marchande...
K-Art
(Image : Félix Ziem, "Le coup de
canon")